La vie d’une ouvrière textile

L’industrie du vêtement, du cuir et de la chaussure comptabilise 75 millions de travailleurs dont 80% de femmes. Dans cet article, nous avons volontairement féminisé le terme “ouvrier” pour que l’on se représente un peu mieux qui se cache derrière la fabrication de nos vêtements.

Le 24 avril 2013, l’usine de confection textile du Rana Plaza, située à Dacca au Bangladesh et travaillant pour des marques internationales telles que Primark ou Mango, s’effondrait du haut de ses 8 étages causant plus de 1100 morts et 2500 blessés.

Cet événement a ouvert les yeux du monde occidental sur les conditions de travail miséreuses des ouvrières du textile. Depuis, les consciences globales s’éveillent sur la responsabilité du consommateur lors de ses achats et sur la nécessité pour les marques multinationales de surveiller les conditions de travail des employées dans les pays où elles produisent.

Parce que oui, pour acheter la dernière pièce tendance Zara, de petites mains se sont agitées dans des conditions loin d’être confortables.

Alors, ça ressemble à quoi la vie d’une ouvrière textile ?

Où travaillent les ouvrières textiles ?

Les marques de fast fashion ont toutes délocalisé leur production dans des pays différents de celui d’origine. Pourquoi ? Car c’est plus économique et stratégique : les salaires sont plus bas (ce qui permet de vendre les vêtements à un prix très compétitif), les normes et les contraintes règlementaires sont souvent moins importantes et la main d’oeuvre est parfois plus qualifiée dans certains pays.

L’Asie domine la production textile dans le monde. Trois pays sont à l’origine d’une grande partie de la production mondiale : Bangladesh, Turquie et Inde. À leurs côtés, on retrouve également la Tunisie, le Maroc, le Vietnam, le Sri Lanka, le Pakistan et le Cambodge.

L’Asie est considérée comme le berceau de l’industrie textile puisqu’elle est à l’origine de la production du coton, ce qui explique son ultra-domination de la chaîne de production textile.

Les conditions de travail d’une ouvrière textile

C’est maintenant bien connu : les conditions de travail des ouvrières dans les usines textiles sont déplorables. Esclavagisme moderne, faible revenus et absence de droit du travail résument ce système d’exploitation devenu très commun. Décryptage :

     

      • De faibles salaires : dans des pays où le travail est peu réglementé, les salaires n’atteignent parfois pas le minimum légal. Par ailleurs, le minimum légal est souvent inférieur au “salaire vital”, qui permettrait de subvenir aux besoins de base de la travailleuse : loyer, énergie, alimentation, eau potable, protection sociale, habillement… Le rythme de production privilégie la quantité à la qualité donc les ouvrières doivent travailler vite et beaucoup mais sans récompense financière à la clé.

      • Des heures de travail non réglementées : les ouvrières se voient obligées de réaliser des heures supplémentaires (parfois jusqu’à 150 heures par mois) pour atteindre un salaire leur permettant tout juste de vivre. La règlementation locale est souvent très permissive sur la durée du travail hebdomadaire, ce qui (couplé aux salaires de misère) crée des situations individuelles qui se rapprochent de l’esclavagisme.

      • L’exploitation des enfants : les enfants représentent une partie importante de la main d’œuvre textile. La petite taille de leurs mains les rend particulièrement aptes à effectuer des tâches précises et délicates comme la cueillette du coton ou la couture.

      • Des conditions de travail insalubres : généralement, les ouvrières ne peuvent ni boire ni manger et n’ont parfois même pas accès aux toilettes. Par ailleurs, elles sont souvent exposées à des substances nocives et polluantes. Les usines sont souvent dépourvues de ventilation, ce qui oblige les ouvrières à travailler dans des ateliers où la température peut atteindre les 40 degrés.

      • Discrimination et violences : les femmes représentent près de 80% de la main d’oeuvre textile et subissent régulièrement des discriminations et des violences sur leur lieu de travail : insultes, harcèlement moral ou sexuel, agressions sexuelles et même des viols. Les femmes sont aussi désavantagées par rapport aux hommes qui prétendent aux mêmes emplois : calcul des salaires différents, tests de grossesse lors du recrutement, contrats précaires et à courts termes arrêtés dès l’arrivée d’une grossesse…

    Pour les marques de mode peu scrupuleuses, ces conditions de travail sont une aubaine puisqu’elles permettent de produire à très bas coût tout en maintenant une cadence de travail élevée. Mais pour les ouvrières du textile, ce travail n’est rien d’autre qu’un gagne-pain miséreux mais nécessaire pour subvenir aux besoins de leurs familles.

    L’exemple du système SHEIN

    Plus besoin de la présenter, SHEIN est aujourd’hui le symbole de l’ultra fast fashion. La marque chinoise est la reine des articles à moins de 10€ et des réductions de -70%.

    Les ados en raffolent mais derrière des prix aussi bas se cache un lourd système d’exploitation qui a récemment été décrypté par la chaine britannique Channel 4 dans le documentaire “Inside the SHEIN machine : untold”.

    Voici un résumé des conditions de travail des ouvriers de cette marque :

       

        • 18 heures de travail par jour

        • Pas de jour de congé

        • Des journées se terminant à 2 ou 3 heures du matin (le reportage montre des femmes qui se lavent les cheveux pendant la pause déjeuner par manque de temps)

        • Amputation de 2 tiers du salaire pour chaque erreur commise

        • Pas de contrat de travail, pas d’assurance

      Et la liste est encore longue… Malheureusement, le système SHEIN est conçu pour présenter de nouvelles tendances toutes les semaines en proposant des prix tellement faibles que les ados y deviennent accros.

      Pour conclure

      Quand un vêtement coûte ridiculeusement peu cher, demandons-nous qui paie ce prix ailleurs. Un vêtement à bas coût est forcément synonyme de conditions de fabrication déplorables (et cela s’accompagne généralement de dégradations de l’environnement). En tant que consommateurs, nous avons notre part de responsabilité. Nous pouvons faire en sorte de ne pas participer à ce système d’exploitation en nous tournant vers des modes de consommation différents : la seconde main ou la production textile responsable et éthique.

      Cependant, après ce constat fait, de nombreuses questions restent en suspend :

         

          • Qu’est-ce que l’on doit chercher sur les étiquettes pour s’assurer que nos vêtements ont été conçus dans de bonnes conditions ? Est-ce qu’il y a un label auquel on peut se fier ?

          • Est-ce qu’il existe des usines textiles en Asie où les ouvrières travaillent dans des conditions correctes ?

          • Si on arrête d’acheter des vêtements fabriqués en Asie, il se passe quoi pour les ouvrières ? Est-ce qu’il ne vaut mieux pas bosser dans de mauvaises conditions que de ne pas bosser du tout ?

        Affaire à suivre…

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